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IFRS 16 : Quelles conséquences sur la valeur des PME-ETI françaises ?


Dès 2019, les multiples d’Ebitda risquent d’être impactés par l’application de la nouvelle norme IFRS 16. Et l’évolution des niveaux de multiples pourraient avoir des conséquences non négligeables sur l’évaluation des PME et ETI françaises – et donc sur le prix payé par les investisseurs, si des précautions ne sont pas prises.

La nouvelle norme IFRS 16 sur les contrats de location sera applicable au 1er janvier 2019. Elle requiert que les contrats de location figurent au bilan des entités, en comptabilisant un actif lié au droit d’utilisation et une dette correspondant à la valeur actuelle des paiements futurs de loyers. Dans le compte de résultat, les charges de location seront remplacées par une charge d’amortissement et une charge d’intérêt.

Si d’un point de vue comptable, les PME et ETI établissant leurs comptes conformément au référentiel comptable français pourraient se sentir assez peu concernées par l’application de cette norme, il en va tout autrement s’agissant de leur évaluation. Il convient en effet de rappeler que l’une des méthodes les plus utilisées pour évaluer les sociétés non cotées est celle des comparables boursiers. Force est de constater qu’en pratique, l’application de cette méthode repose très souvent sur l’Ebitda, qui est l’un des agrégats financiers préférés des investisseurs. Cet indicateur qui permet de traduire la performance opérationnelle d’une entité indépendamment de ses modalités de financement, de sa politique d’amortissement et de sa fiscalité, est souvent privilégié par les fonds d’investissement notamment en raison de la structuration des opérations qu’ils réalisent. Il est également régulièrement utilisé par les analystes financiers pour apprécier la valeur des sociétés cotées.

Augmentation mécanique de l’Ebitda

Or, l’application d’IFRS 16 va augmenter mécaniquement les Ebitda des sociétés cotées comptabilisant des engagements de location, à hauteur du montant des loyers. Les multiples d’Ebitda seront en conséquence modifiés dès lors que le ratio dette supplémentaire rapporté aux charges locatives sera différent du multiple d’Ebitda tel qu’il ressortait avant application d’IFRS 16 – ce qui devrait être le cas, sauf rare coïncidence.


Les multiples utilisés pour évaluer les PME ou ETI non cotées étant, en pratique, déterminés par référence à ceux induits par le cours de Bourse des sociétés cotées, l’entrée en vigueur de cette norme pourrait avoir des impacts non négligeables sur l’évaluation des sociétés non cotées. En effet, les multiples induits par les cours de Bourse seront modifiés alors que les agrégats des sociétés non cotées ne seront pas impactés. Les changements de méthodes comptables ne créant pas de valeur pour l’actionnaire et, toutes choses étant égales par ailleurs, la mise en œuvre de cette méthode sans précaution, pourra entrainer des surévaluations ou des sous-évaluations de sociétés plus ou moins significatives.


Il est vrai qu’en dépit de sa très large utilisation, la pertinence de cet agrégat en matière d’évaluation financière faisait déjà, à juste titre, l’objet de nombreuses critiques en particulier dans les secteurs à forte intensité capitalistique. En effet, celui-ci ne permet pas de prendre en compte le niveau d’investissement nécessaire, et il se révèle peu pertinent pour comparer des sociétés qui, dans la même activité, opèreraient de manière différente, les unes louant leurs actifs d’exploitation, les autres les détenant en pleine propriété.

Pertinence remise en cause



Néanmoins, IFRS 16 va augmenter considérablement les cas où la pertinence de cet agrégat sera remise en cause, y compris dans des secteurs à faible intensité capitalistique. IFRS 16 sonnera-t-il le glas de l’utilisation de l’Ebitda pour valoriser les sociétés non cotées ? Il est encore trop tôt pour le dire notamment parce que les solutions alternatives ne sont pas évidentes, les autres indicateurs usuels n’étant pas toujours plus pertinents. En revanche, cette norme va renforcer la nécessité de retraiter les Ebitda utilisés afin qu’ils soient représentatifs d’une situation réelle et récurrente et cohérent avec les multiples retenus. A cet effet, demain plus qu’aujourd’hui, la réalisation d’un diagnostic approfondi du modèle économique et du mode de financement des actifs devra être menée avant toute évaluation.


Joëlle Lasry (Lasry Finance)

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