Les obligations remboursables en actions, un moyen méconnu de faciliter la recapitalisation des PME
Nombre de négociations s’enlisent aujourd’hui entre des actionnaires souhaitant valoriser au maximum leur PME et des investisseurs plus que jamais soucieux de ne pas « surpayer » leur investissement.
Les crises financières récentes ont affecté tout particulièrement les banques entraînant un tarissement des crédits à l’origine d’une contagion de l’économie réelle. Les PME, principales victimes, n’ont alors d’autre solution pour financer leur développement que de se tourner vers les investisseurs en capital (fonds d’investissement, family office etc.).
Or ces derniers, s’attachent plus que jamais à ne pas « surpayer » leur investissement. Eux qui, en période de crise, ne peuvent plus compter à la sortie sur le levier financier ou sur une augmentation des multiples de marché, pour venir compenser d’éventuelles erreurs d’appréciation à l’entrée. Dans ce contexte, nombre de négociations s’enlisent aujourd’hui entre des actionnaires souhaitant valoriser au maximum leur PME (pour limiter leur dilution) et des investisseurs plus que jamais soucieux de ne pas « surpayer » leur investissement.
La valeur réelle des PME investies est donc au cœur de nombreux blocages. Or, les solutions classiques de compromis, telles que les « clauses de compléments de prix » ou les « garanties de passifs », sont difficilement transposables dans le cadre d’une augmentation de capital. Il est en effet difficile de demander aux actionnaires existants d’indemniser l’investisseur pour des sommes reçues par la société et non par eux directement. Cette indemnisation ne peut davantage être supportée par la société, sauf à la priver d’une partie des capitaux dont elle a justement besoin.
L’utilisation d’obligations remboursables en a
ctions (ORA) pour éviter cette impasse est, à cet égard, une solution aussi innovante que méconnue. Les ORA présentent la particularité d’être remboursables en un nombre d’actions librement déterminé ou déterminable (sous réserve que le nominal des actions sous-jacentes n’excède pas le montant de l’émission obligataire). Prenons l’exemple d’un besoin de financement de 100 dans une PME valorisée 500 (en comptant les 100 apportés) avec un risque identifié de litige de 50. Le cœur de la divergence est ici la prise en compte de ce risque de litige. L’investisseur l’invoquera pour que la valeur retenue ne soit plus 500 mais 450. Et ainsi, à investissement égal, recevoir 22.22% du capital plutôt que 20.00%. Les actionnaires en places, évidemment, adopteront la position contraire.
Une pratique qui gagne à être connue
Pour surmonter cette divergence, il suffira aux parties de se mettre d’accord pour valoriser la société 450 (le minimum non contesté), limiter le montant de l’augmentation de capital à la quote-part de cette valeur non contestée, soit 90% de 100, et émettre des ORA pour le solde du besoin de financement, soit 10. Ces ORA prévoiront leur remboursement en un certain nombre d’actions déterminé a posteriori, suivant une parité ajustable différente selon que le risque de 50 s’est finalement réalisé ou non. En cas de réalisation du risque, ce nombre d’actions représentera 2.22% du capital, de telle sorte que l’investisseur, qui en détient déjà 20.00% du fait de l’augmentation de capital, voit sa participation augmenter à 22,22% sans apport nouveau. A l’inverse, en cas de non réalisation du risque, les ORA seront remboursées en une seule action. De telle sorte que la participation de l’investisseur reste à 20,00%. Comme si, dès l’origine, l’investissement avait entièrement été réalisé en actions et sur la base d’une valorisation de 500 (au lieu de 450).P Dans notre exemple, les ORA permettent donc bien à la société de recevoir un financement de 100, dès le départ et en « quasi-fonds propres » (les ORA n’étant généralement pas considérées comme de la dette). Elles permettent surtout de trancher le débat sur la prise en compte ou non d’un risque identifié, en repoussant à plus tard la valorisation définitive de la PME, une fois le risque matérialisé ou disparu. Cette pratique gagne donc à être connue, pour débloquer des discussions toujours plus tendues. Et ainsi fluidifier le financement des PME en période de crise.
Joëlle Lasry, associée Ricol Lasteyrie Corporate Finance et Charles Van den Broek, associé Bichot & Associés.